Etre une femme et savoir s’imposer dans une conversation

Le langage et la conversation sont des espaces de domination masculine. D’ailleurs G.A.R.C.E.S. est née en 2010 du constat d’une inégalité frappante et récurrente dans la prise de parole entre femmes et hommes, dans les assemblées générales contre la réforme des retraites.

La meilleure preuve de cette inégalité de genre face à la prise de parole est la persistance d’un stéréotype extrêmement répandu : l’idée que les femmes sont bavardes, et parlent plus que les hommes. Un mythe qui n’a jamais pu être confirmé par une seule étude de linguistique ou de sociologie – bien au contraire, de nombreuses recherches ont montré qu’en réalité, ce sont les hommes qui parlent le plus. Le sociologue américain Dale Spencer s’est intéressé à ce stéréotype et à sa persistance à travers les âges malgré ce décalage flagrant avec la réalité. Il l’explique par l’existence d’un double standard :

« Ce n’est pas en comparaison du temps de parole des hommes que les femmes sont jugées bavardes mais en comparaison des femmes silencieuses. La norme n’est pas le masculin mais le silence, puisque nous devrions toutes être des femmes silencieuses. »

Les sciences sociales ont montré que les femmes parlaient moins et se faisaient imposer les sujets de conversation – et ce phénomène s’observe indépendamment du contexte et du thème de la discussion. Ce guide cherche à exposer les phénomènes et « stratégies » concrètes et plus ou moins inconscientes par lesquels les hommes parviennent à s’imposer ainsi dans les conversations.

En effet, nous sommes persuadé(e)s que la connaissance de ces mécanismes peut permettre aux hommes et aux femmes d’être plus conscients des enjeux de domination de genre qui se jouent dans le déroulement-même de leurs conversations, et donc de chercher à en limiter les effets.

Alors, comment s’imposer dans la conversation quand on est une femme ?

  • Ne pas se laisser interrompre

Dans les conversations mixtes, les hommes coupent la parole aux femmes beaucoup plus que l’inverse. Ceci est vrai dans tous les contextes, même lorsque les femmes disposaient d’un statut social et
professionnel plus élevé que leur interlocuteur.

  • Ne pas se laisser déstabiliser par la manifestation d’un manque d’intérêt

Les hommes et les femmes se distinguent également par un usage différent des « réponses minimales », ces marques verbales qui visent à signaler au locuteur qu’il a bien été compris et peut continuer (par exemple un signe de tête, « mmh », « ok », ou « oui »). Placée à temps, la réponse minimale montre une attention active à l’interlocuteur. Mais les hommes tendent à utiliser ces marques verbales de façon un peu retardée, signalant alors pour la locutrice un désintérêt et une inattention qui la déstabilisent. Elle risque alors de se mettre à répéter ses idées, à prolonger les pauses, à hésiter et finir par…se taire.

  • S’accrocher à son sujet

Les interruptions et les réponses minimales retardées conduisent en général à un changement de sujet. C’est ce qui peut expliquer que les hommes choisissent plus fréquemment les sujets de conversation.

Lorsqu’ils sont interrompus, les hommes reprennent la parole pour répéter ce qu’ils venaient de dire ; alors que les femmes se taisent. Lorsqu’ils interrompent leur locutrice ils reprennent rarement ses paroles interrompues dans le fil de la conversation future, contrairement aux femmes qui tendent à récupérer l’énoncé interrompu de leur interlocuteur.

  • Utiliser un vocabulaire plus affirmé

La linguiste Susan C. Herring a étudié la différence de style d’expression entre hommes et femmes : les hommes tendent à affirmer leurs opinions comme des faits, de façon assurée (assertive). Ils montrent plus souvent leur désaccord.  Les femmes, en revanche, formulent leurs messages et leurs contributions, même très factuels, d’un ton moins confiant plus conciliant (affiliative), les présentant comme des suggestions, des propositions. Elles sont plus enclines à exprimer leur accord, à apporter leur soutien ou à remercier quelqu’un.

  • Ne pas passer son temps à mettre à l’aise son interlocuteur

Les femmes fournissent des efforts conversationnels plus importants, par exemple elles posent environ deux fois plus de questions que les hommes. Des sociologues comme Fishman ont ainsi pu parler d’une « distribution inégale du travail de conversation » : les femmes soutiennent le dialogue autour de sujets proposés et développés par les hommes.

Conclusion :

Tenir à son sujet et le rappeler, ne pas se taire après avoir été interrompue, ne pas apporter le soutien tant désiré, voici quelques pistes pour s’imposer dans une conversation, alors…c’est parti, femmes biologiques ou pas, on prend la parole !

PS : Et pour tous les hommes, ce guide vous donne aussi des pistes pour laisser de côté vos tendances à interrompre et à déstabiliser systématiquement votre interlocutrice. Si ça vous intéresse de transposer ce guide au masculin : « être un homme et savoir ne pas monopoliser la conversation », Garçes est intéressé-e !

3 réflexions au sujet de « Etre une femme et savoir s’imposer dans une conversation »

  1. « ne pas apporter le soutien tant désiré »… Et si on disait plutôt aux mecs de faire attention à la parole et à manifester du soutien, est-ce que ça ne serait pas plus respectueux et agréable pour tous ?

    Après l’égalité, le but est aussi de sortir d’une perpétuelle mise en concurrence entre les paroles de uns ou des autres : respectons-nous tous plutôt que de devenir tous des connards (et des connasses)… non ?

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